Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/84

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d’élever comme elle de si magnifiques rosiers à cent feuilles, mais il lui suffisait même de ficher en terre la bouture la plus minable, une mince épine desséchée pour obtenir une abondante moisson des roses les plus superbes et les plus variées. En outre, il était avéré que, durant ses promenades solitaires dans le bois, elle conversait tout haut avec des voix étranges qui semblaient sortir des arbres, des buissons, des sources et des ruisseaux. Un jeune chasseur l’avait même aperçue une fois, dans le plus épais du bois, entourée d’oiseaux singuliers nullement pareils à ceux de la contrée, vêtus d’un plumage étincelant et diapré, qui voltigeaient autour d’elle en la caressant, et paraissaient, dans leur ramage mélodieux et enjoué, lui faire toute sorte de récits joyeux dont elle riait et s’égayait.

Il arriva donc naturellement que mademoiselle de Rosebelle, lorsqu’elle entra au chapitre, éveilla plus vivement encore l’attention de tous les habitants du pays. Sa réception dans la noble communauté avait eu lieu d’après l’ordre du prince. Le baron Prætextatus Clair-de-Lune, seigneur du domaine dont dépendait le chapitre, et à qui l’administration en était dévolue, n’eut donc rien à objecter, malgré les horribles soupçons dont il était assiégé. En effet, il avait fait de vaines recherches pour découvrir dans les archives nobiliaires de Rixner, et dans maintes chroniques, les traces de la famille Rosebeauvert. C’est pourquoi il doutait, fort légitimement, de la capacité pour entrer au chapitre de ladite demoiselle, qui ne pouvait pas exhiber d’arbre généalogi-