Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/88

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Les personnes jalouses de jouir d’une liberté absolue et sans nulle entrave, et d’habiter un doux climat, une belle région, ne pouvaient pas mieux choisir leur séjour que dans cette heureuse contrée, et il arriva ainsi que plusieurs fées illustres de la bonne espèce, lesquelles préfèrent, comme on sait, par-dessus tout, la chaleur et la liberté, étaient venues s’y établir.

C’est à elles sans doute qu’il faut attribuer les enchantements et les merveilles agréables qui se produisaient très-fréquemment presque dans chaque village, mais principalement dans les bois, de telle sorte que chacun, ravi par cette magie séduisante et voluptueuse, croyait fermement à la féerie, et restait, sans le savoir, mais par l’effet de cette croyance même, un joyeux, c’est-à-dire un bon citoyen de l’état. Les bonnes fées qui s’y étaient donc constitué librement un véritable Dschinnistan à leur gré[1], auraient volontiers à jamais perpétué les jours de l’excellent prince Démétrius. Mais cela était par malheur au-dessus de leur puissance. Démétrius mourut, et le jeune Paphnutius lui succéda sur le trône.

Déjà, du vivant de son digne père, Paphnutius avait nourri en silence un mécontentement secret de ce que le peuple et l’état, suivant lui, étaient gouvernés et régis de la manière la plus irrégulière et la plus absurde. Il résolut d’opérer la réforme lui-même, et en conséquence il nomma premier ministre son premier valet de chambre Andrès, qui, une fois dans une auberge au-delà de la frontière,

  1. Le Dschinnistan est le pays des fées ; on le trouve décrit dans les contes des Mille et une Nuits.