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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/89

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comme il avait oublié sa bourse, lui avait prêté six ducats, et l’avait ainsi tiré d’un grave embarras.

« Je veux gouverner, mon cher ! » lui dit Paphnutius. Andrès lut dans les yeux de son maître ce qui se passait en lui, il se jeta à ses pieds et s’écria pathétiquement : « Sire ! l’heure solennelle est arrivée ! — Grâce à vous, un nouveau royaume va sortir resplendissant d’un ténébreux chaos ! — Sire ! le plus fidèle de vos vassaux vous implore ici, et des milliers de vos pauvres malheureux sujets vous parlent par sa bouche, vous conjurent par sa voix. — Sire ! — introduisez les lumières !… » Paphnutius se sentit ému jusqu’au fond de l’âme à l’idée sublime de son ministre. Il le releva, le pressa impétueusement contre son cœur, et s’écria en sanglottant : « Ministre… Andrès ! — Je te dois six ducats, — bien plus… mon bonheur !… mon royaume ! — Ô fidèle… ô judicieux serviteur ! »

Paphnutius voulait immédiatement faire imprimer en grands caractères et faire afficher en tous lieux un édit portant que dès ce moment les lumières étaient introduites, et que chacun eut à agir en conséquence. « Sire magnanime ! s’écria alors Andrès, cela ne peut pas aller ainsi. — Comment cela va-t-il, mon bon ami ? » dit Paphnutius. Il prit son ministre par la boutonnière, et l’attira dans son cabinet, dont il ferma la porte.

« Voyez-vous, commença Andrès lorsqu’il se fut assis sur un tabouret vis-à-vis du prince, voyez-vous, mon très-gracieux maître ! — l’effet de votre édit souverain sur les lumières rencontrerait peut--