Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/135

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vraiment le meilleur gendre que je pusse choisir. Viens donc avec moi, et ne songe désormais qu’aux moyens de mériter la main de Madelon.”

» Les paroles de Cardillac me déchiraient l’âme, je frémissais de sa perversité, j’étais incapable d’articuler un mot. “Tu hésites, poursuivit-il d’un ton violent, pendant qu’il me perçait de ses regards flamboyants. Peut-être tu n’es pas disposé à me suivre aujourd’hui, parce que tu as d’autres projets ! — Tu veux peut-être aller trouver Desgrais, ou bien te faire conduire devant D’Argenson ou La Reynie. Prends garde à toi, mon garçon ! tâche que les griffes que tu veux mettre en jeu contre les autres ne te saisissent toi-même et ne te déchirent !” Alors, l’indignation profonde, dont j’étais agité, éclata. “Que ceux qui ont la conscience chargée d’un crime affreux, m’écriai-je, que ceux-là, dis-je, appréhendent les noms que vous venez de prononcer ; pour moi je n’ai rien à démêler avec eux.

» — Au fait, Olivier, reprit Cardillac, cela te fait honneur, de travailler chez moi, chez moi, l’orfèvre le plus célèbre de l’époque, chez moi, qui jouis partout d’une si haute réputation d’honnêteté, de probité, que toute calomnie, mise en avant pour me ravir cette estime, retomberait lourdement sur la tête du calomniateur ! — Quant à Madelon, il faut que je t’avoue que c’est à elle seule que tu dois ma condescendance ; car elle t’aime avec une ardeur dont je n’aurais jamais cru la faible enfant susceptible. Dès que tu fus parti, elle se jeta à mes pieds, embrassa mes genoux, et me déclara, en versant un