Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/134

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et prendre en pitié cette folle illusion. — Cardillac ! — le père de ma Madelon, un infâme assasin ! — J’étais tombé défaillant sur les degrés de pierre d’une maison. Le jour commençait à poindre : quelques moments après, un chapeau d’officier, richement garni de plumes, frappa mes yeux sur le pavé. L’évidence du crime sanglant de Cardillac, commis à la place même où j’étais assis, était palpable. Je m’éloignai en courant et pénétré d’horreur.

» J’étais livré à la consternation dans ma mansarde, et presque privé de connaissance, quand la porte s’ouvre, et laisse paraître Réné Cardillac. “Au nom du Christ ! que voulez-vous ?” lui criai-je. Lui, sans s’émouvoir le moins du monde, vient à moi et me sourit avec un air d’aisance et d’affabilité, qui augmente mon sentiment d’aversion intérieure… Il approche un vieil escabeau à demi rompu, et s’asseoit auprès de moi, car je n’eus pas la force de me lever du grabat sur lequel je m’étais couché. “Eh bien, Olivier, commença-t-il par me dire, comment ça va-t-il, mon pauvre garçon ? J’ai agi, en effet, avec une précipitation un peu brutale, lorsque je t’ai renvoyé de chez moi… Tu me manques, je te regrette chaque jour : je suis en ce moment occupé d’un ouvrage que je ne saurais achever sans ton aide. Qu’en dis-tu ? si tu venais de nouveau travailler à l’atelier ? — Tu ne réponds rien ? — Oui, je sais, je t’ai offensé. Je n’ai pas dissimulé la vive colère que m’ont causée d’abord tes amourettes avec ma Madelon. Mais depuis j’ai bien réfléchi, et j’ai pensé qu’avec ton habileté, ton zèle, ta probité, tu serais