Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/137

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rendu notre bonne ville plus périlleuse qu’une caverne de brigands ?

— Une bande, dites-vous, mademoiselle ? reprit Olivier, jamais il n’a existé une semblable bande. C’était Cardillac lui seul, dont la criminelle activité poursuivait et frappait tant de victimes dans tout Paris ; et voilà justement ce qui prêtait tant de facilité à ses meurtres, en rendant presque impossible la découverte de leur auteur. — Mais, laissez-moi poursuivre, la suite vous dévoilera le mystérieux caractère du plus scélérat et en même temps du plus malheureux des hommes.

» La position dans laquelle je me trouvais alors chez Cardillac, chacun peut facilement se la figurer. Le pas était fait, je ne pouvais plus reculer. Parfois, je m’imaginais être ainsi devenu moi-même le complice des meurtres de Cardillac. L’amour de Madelon me faisait seul oublier mon anxiété et mes tourments secrets, et ce n’est qu’auprès d’elle que je parvenais à réprimer la manifestation de mon chagrin dévorant. Quand je travaillais avec son père dans l’atelier, je n’osais point le regarder en face, je pouvais à peine proférer une parole, tant j’étais pénétré d’horreur de me voir si proche de cet homme indéfinissable, qui exerçait toutes les vertus d’un père tendre et bon, tandis que le voile de la nuit cachait ses atroces forfaits.

» Madelon, cet enfant aussi pieux, aussi pur que les anges, l’aimait avec un dévouement idolâtre. Mon cœur saignait en pensant que, si le ciel venait un jour à venger les crimes du père, sa fille, victime de