Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/138

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la déception la plus infernale, succomberait, sans doute, à l’excès de son désespoir. Ce motif seul, même quand j’aurais eu à souffrir une mort ignominieuse, m’imposait un silence absolu. Malgré ce que m’avaient appris les discours des gardes de la maréchaussée, tout encore dans les forfaits de Cardillac, leur motif, le moyen de leur exécution restaient une énigme pour moi : je ne tardai pas à en avoir l’explication.

» Cardillac, qui, pendant son travail, était ordinairement de l’humeur la plus joyeuse, et dont les plaisanteries alors excitaient mon horreur, parut un jour dans l’atelier avec un air très sérieux et préoccupé. Tout d’un coup il jeta de côté la parure dont il s’occupait, et si brusquement que les pierres et les perles, détachées par le choc, roulèrent à terre ; puis il se leva avec la même vivacité, et me dit : “Olivier ! — cela ne peut rester ainsi entre nous deux ; cette position m’est insupportable. — Le secret que la ruse consommée de Desgrais et de ses gens n’est pas parvenue à découvrir, le hasard t’en a rendu maître. Tu m’as vu, toute dénégation devant toi m’est interdite, livré à l’œuvre nocturne que mon mauvais génie me pousse à accomplir. Ce fut pareillement ta mauvaise étoile qui te fit me suivre, en t’enveloppant de ténèbres impénétrables, en donnant à ton pas la légéreté de démarche du plus petit animal, de manière à ce que je ne m’en sois apercu, moi qui vois distinctement, comme le tigre, dans l’obscurité la plus profonde, moi dont l’oreille exercée surprend d’une rue à l’autre le plus petit bruissement,