Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/192

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s’opposa à la cérémonie, qui couronna le bonheur d’Hypolite et d’Aurélia.

Néanmoins l’état singulier d’Aurélia n’avait point changé; elle paraissait incessamment tourmentée, non pas du regret de la perte de sa mère, mais d’une anxiété intérieure mortelle et indéfinissable. Un jour, au milieu d’un entretien amoureux des plus doux, elle s’était levée brusquement saisie d’une terreur soudaine, plus pâle qu’une ombre, et, serrant le comte dans ses bras, comme pour conjurer, en s’attachant à lui, le funeste anathème d’une puissance ennemie et invisible, s’était écriée en versant un torrent de larmes : « Non, jamais! jamais!… » — Cependant, depuis son mariage, cette irritation extrême s’était beaucoup affaiblie, et le calme paraissait rentré dans l’âme d’Aurélia.

Le comte avait dû nécessairement supposer qu’un secret fatal affectait aussi gravement l’esprit d’Aurélia ; mais il avait vu, et avec raison, de l’indélicatesse à la questionner sur ce sujet, tant qu’avait duré son état de souffrance et qu’elle-même gardait le silence. — Devenu l’époux d’Aurélia, il hasarda enfin, avec beaucoup de ménagements, certaines allusions touchant les motifs probables de cette singulière perturbation morale. Alors Aurélia dit hautement qu’elle regardait comme une faveur du ciel cette occasion d’ouvrir son cœur tout entier à un époux chéri. Et quelle fut la surprise du comte en apprenant qu’Aurélia ne devait cette sombre inquiétude, et l’altération de ses facultés, qu’à l’influence et aux menées coupables de sa mère ?