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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/193

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« Y a-t-il au monde, s’écria Aurélia, quelque chose de plus épouvantable que d’être réduit à haïr, à abhorrer sa propre mère ! » — Ainsi ni le père ni le vieux oncle d’Hypolite n’avaient nullement cédé à d’injustes préventions, et la baronne avait abusé le comte avec une hypocrisie méditée. Il était donc obligé de regarder comme un bienfait du sort que cette méchante femme fût morte le jour fixé pour son mariage, et il ne dissimula pas cette pensée. Mais Aurélia lui révéla que justement après cet événement , elle avait été frappée par un affreux pressentiment de l’idée accablante et sinistre que la défunte surgirait un jour de sa tombe pour l’arracher aux bras de son amant et l’entraîner dans l’abîme.

Voici ce qu’Aurélia raconta à son mari, d’après les souvenirs confus de son enfance. — Un jour, au moment même de son réveil, un grand tumulte s’éleva dans la maison, elle entendit ouvrir et refermer violemment les portes, et des voix étrangères crier avec confusion.. Le calme enfin commençait à se rétablir, quand sa bonne vint la prendre dans ses bras et la porta dans une grande chambre, où beaucoup de monde était rassemblé autour d’une longue table, sur laquelle elle vit couché un homme qui jouait habituellement avec elle, de qui elle recevait maintes friandises, et qu’elle appelait du nom de papa. Elle étendit ses petites mains vers lui et voulut l’embrasser ; mais elle trouva ses lèvres, naguère si douces, sèches et glacées, et Aurélia, sans savoir pourquoi, éclata en amers sanglots. Sa bonne la transporta