Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/202

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affirmant qu’on pouvait en augurer que bientôt un doux fruit naîtrait de l’union fortunée des deux époux.

Un jour même, étant à table avec le comte et la comtesse, le docteur hasarda plusieurs allusions a l’état de grossesse supposé d’Aurélia. Celle-ci ne paraissait nullement s’occuper des discours du médecin; mais elle manifesta tout d’un coup l’attention la plus vive, lorsqu’il se mit à parler des envies extraordinaires que les femmes éprouvent souvent dans cet état, et auxquelles il est impossible qu’elles résistent sans préjudice pour leur enfant, et même quand elles savent que leur santé en sera compromise. La comtesse accabla le docteur de ses questions, et celui-ci ne se lassa pas de raconter alors, et d’après l’expérience d’une longue pratique, les faits de ce genre les plus singuliers et les plus comiques.

« Cependant, disait-il, on a des exemples d’envies bien autrement inconcevables , et qui ont fait commettre à certaines femmes les actions les plus atroces. C’est ainsi que la femme d’un forgeron fut attaquée d’un désir si violent de manger de la chair de son mari, qu’elle en perdit le repos, jusqu’à ce qu’un jour à la fin, celui-ci étant rentré ivre à la maison, elle se jeta sur lui à l’improviste, armé d’un grand couteau, et le déchira avec ses dents si cruellement, qu’il survécut à peine quelques heures. » — Le docteur parlait encore quand on vit la comtesse tomber évanouie dans son fauteuil, et avec des convulsions telles qu’on pouvait craindre pour sa vie.