Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/203

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Le médecin dut reconnaître combien il avait agi imprudemment en racontant cette histoire épouvantable devant une femme dont les nerfs étaient aussi délicats.

Toutefois cette crise paraissait avoir produit un effet salutaire sur la santé d’Aurélia, et elle avait recouvré en partie sa tranquillité. Mais bientôt, hélas ! les bizarreries multipliées de sa conduite, son excessive pâleur toujours croissante, et le feu sombre de ses regards vinrent rejeter dans l’esprit du comte les soupçons les plus alarmants. La circonstance la plus inexplicable de l’état de la comtesse était l’abstinence complète qu’on lui voyait garder; bien plus, elle montrait pour toute espèce de nourriture, et pour la viande surtout, une répugnance invincible, au point qu’elle était souvent réduite à se lever de table avec les signes les plus énergiques de dégoût et d’horreur. — Les soins du médecin furent sans aucun résultat; car les supplications les plus tendres et les plus pressantes d’Hypolite avaient été vaines pour décider la comtesse à prendre une seule goutte des remèdes ordonnés.

Cependant plusieurs semaines, des mois s’étaient écoulés depuis que la comtesse s’obstinait à ne point manger, et il restait incompréhensible qu’elle pût continuer à vivre ainsi. Le docteur pensa qu’il y avait là-dessous quelque chose de mystérieux et de surnaturel, et il prit un prétexte pour quitter le château. Mais le comte n’eut pas de peine à comprendre que ce départ subit n’avait point d’autre motif que l’état presque phénoménal de sa femme qui déroutait