Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/21

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superstitions absurdes l’esprit des joueurs est accessible. — Bref, ce ne fut que par un refus solennel, et même en déclarant qu’il se battrait plutôt avec le colonel que de consentir à jouer pour lui, que le chevalier parvint à se débarrasser de ses importunités, le colonel n’étant pas précisément jaloux des affaires de duel. Le chevalier maudit de grand cœur l’acte de condescendance qui lui avait attiré les persécutions de ce vieux fou.

Du reste, il était immanquable que l’histoire du bonheur miraculeux du chevalier au jeu ne courût de bouche en bouche, progressivement accrue d’une foule de circonstances énigmatiques et merveilleuses, qui peignaient le chevalier comme un homme en relation avec les puissances surnaturelles. — Mais aussi en voyant le chevalier, malgré son étoile, s’abstenir de toucher une carte, on conçut l’idée la plus haute de la fermeté de son caractère, et l’estime dont il jouissait ne fit qu’augmenter.

Il pouvait s’être écoulé une année, lorsque le chevalier, par le retard imprévu du versement de la modique somme qui subvenait à son entretien, fut mis dans l’embarras le plus pénible et le plus pressant. Il fut obligé de s’en ouvrir à son plus fidèle ami, qui lui avança sans délai l’argent dont il avait besoin, mais en l’appelant en même temps le plus grand original qui eût jamais existé.

« Il est des signes du destin, dit-il, qui nous révèlent la voie où nous devons chercher et trouver notre salut. C’est la faute de notre indolence si nous négligeons ces avertissements et si nous n’en