Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/23

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Il se réveilla le lendemain dans une espèce d’étourdissement. La somme gagnée était entassée près de lui sur une table. À la première vue, il crut rêver, se frotta les yeux, puis il étendit le bras et attira la table plus près ; mais lorsqu’il eut rappelé ses souvenirs, lorsqu’il palpa les pièces d’or, lorsqu’il les compta et recompta avec complaisance, alors, pour la première fois, tout son être se sentit pénétré, comme au souffle d’un génie fatal, du poison de l’envie des richesses. Ce jour porta un coup mortel à la pureté de sentiments qu’il avait si longtemps gardée intacte.

Il eut peine à attendre le soir pour se trouver de nouveau à la table de jeu. Son bonheur ne se démentit pas, et en peu de semaines, durant lesquelles il avait joué presque chaque nuit, il gagna une somme considérable.

Il y a deux espèces de joueurs. Pour quelques-uns, le jeu lui-même, en tant que jeu et sans égard au gain, est la source d’une jouissance secrète et inexprimable. Dans l’enchaînement et le contraste des chances s’offrent les plus bizarres accidents du hasard ; c’est là que se manifeste le plus clairement l’influence d’une puissance supérieure, et c’est ce qui provoque notre esprit à prendre son essor pour essayer de pénétrer dans la sphère mystérieuse, dans les arcanes de la fatalité suprême, et d’y voir s’éclaircir l’obscur problème de ses œuvres. — J’ai connu un homme qui passait des jours, des nuits entières à faire la banque seul dans sa chambre, en pontant contre lui-même : celui-ci, à mon avis,