Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/232

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les intérêts des vassaux de R....sitten étrangement compromis.

Tous les détails de cette visite, en général, avaient quelque chose de ridicule. Moi, j’étais encore sous l’émotion des terreurs de la nuit passée, et je me sentais comme maitrisé par une puissance inconnue, ou plutôt je croyais déjà toucher aux limites d’un cercle fatal qu’il ne fallait plus qu’un pas pour franchir, et je me voyais près d’être perdu sans ressource, si toutes les forces de ma volonté ne s’armaient pour me préserver de l’horreur mystérieuse dont une folie incurable est souvent le seul remède. Ainsi les vieilles baronnes elles-mêmes, avec leurs longues figures grimaçantes, avec leur étrange accoutrement, leurs falbalas et leurs nœuds de fleurs disparates, me parurent plus effrayantes encore et plus fantastiques que ridicules. Leurs vieux visages jaunes et ridés, leurs yeux clignotants, leurs nez pointus et le méchant français qu’elles débitaient en nasillant me semblaient autant d’indices de leur connivence diabolique avec l’horrible revenant du château, et peu s’en fallait que je ne les crusse elles-mêmes coupables d’actions détestables et sacrilèges.

Mon grand-oncle, très gai par caractère, engagea les deux baronnes dans un bavardage plaisant et sur un ton d’ironie si fantasque, que je n’aurais certainement pas su, dans toute autre circonstance, réprimer de fous accès de rire. Mais, comme je l’ai déjà dit, les deux vieilles avec leur caquet m’apparaissaient comme des êtres ensorcelés, et mon