Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/233

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grand-oncle, qui avait pensé me procurer un plaisir extraordinaire, me regarda à differentes reprises d’un air de stupéfaction.

Dès que nous nous trouvâmes seuls dans notre chambre après le diner, il éclata : « Mais, cousin, dit-il, qu’as-tu donc, pour l’amour de Dieu ? Tu ne ris pas, tu ne parles pas, tu ne manges pas et tu ne bois pas ? Es-tu malade, ou y a-t-il une autre cause à tout cela ? » Je n’hésitai nullement alors à lui raconter en détail toutes les choses affreuses et singulières dont j’avais été témoin durant la nuit dernière. Je ne lui cachai rien, je le prévins surtout que j’avais bu beaucoup de punch et que j’avais lu le Visionnaire de Schiller. « Je dois en convenir, ajoutai-je, car cela seul explique comment mon cerveau trop exalté a pu être abusé par de pareilles visions, dont certes mon imagination a fait tous les frais. »

Je croyais que le grand-oncle se ferait un malin plaisir de m’adresser force quolibets et de se moquer hautement de ma superstition ; mais, bien loin de là, il devint très sérieux à mes paroles, regarda fixement le plancher, puis releva brusquement la tête, et me dit avec un regard pénétrant de ses yeux vifs : « Je ne connais pas ton livre, cousin, mais ce n’est pas à son essence, ni à celle du punch qu’il te faut attribuer cette scène de revenants. Sache que, de mon côté, je voyais en rêve tout ce que tu viens de me raconter. J’étais assis comme toi (du moins cela me semblait ainsi) dans un fauteuil près de la cheminée. Mais ce qui ne s’est révélé à toi que par la