Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/235

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banni les enfants du manoir héréditaire de leurs ancêtres ; ce n’est donc point une démarche téméraire. Mais si pourtant la volonté du ciel permettait que l’esprit du mal s’attaquât à ma personne, ce sera à toi, cousin, de proclamer que j’aurai succombé dans le plus saint et le plus loyal combat contre le démon infernal qui trouble ce séjour. — Toi, tu resteras à l’écart ; il ne t’arrivera aucun mal. »

Le soir était arrivé à la suite d’affaires et d’occupations variées. Franz avait, comme la veille, desservi le souper et nous avait apporté du punch ; la pleine lune brillait au sein de nuages argentés, les vagues de la mer mugissaient, et le vent de la nuit tempêtait contre les vitraux qui rendaient des sons aigus et prolongés.

Nous nous livrâmes par une commune inspiration à des propos insignifiants. Mon grand-oncle avait posé sur la table sa montre à répétition. Elle sonna minuit. Alors la porte s’ouvrit avec un fracas épouvantable, et des pas sourds et lents glissent dans la salle avec les mêmes gémissements et les mêmes soupirs que le soir précédent. Mon grand-oncle était devenu tout pâle ; mais ses yeux étincelaient d’un feu inaccoutumé ; il se leva et, le bras gauche appuyé sur la hanche, le droit étendu en avant, il ressemblait avec sa haute stature, au milieu du salon, à un héros imposant des ordres.

Cependant les soupirs plaintifs devenaient de plus en plus accentués et perceptibles, et l’on se mit à gratter contre le mur plus effroyablement encore que la veille. Mon grand-oncle alors avança tout