Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/234

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perception de certains bruits, je l’ai vu et saisi clairement par une espèce d’intuition. Oui, j’ai vu l’horrible sorcier entrer dans la salle, se trainer péniblement jusqu’à la porte murée, et gratter à cette place avec une énergie de désespéré, telle que le sang ruisselait de dessous ses ongles lacérés. Et quand ensuite il descendit, lorsqu’il fit sortir le cheval de l’écurie et l’y fit rentrer immédiatement, as-tu entendu le chant du coq au village voisin ? C’est alors que tu m’as éveillé, et j’ai promptement surmonté cette impression d’horreur suscitée par des esprits infernaux, dont l’influence sinistre ne cherche qu’à étouffer et à détruire toutes les joies de la vie. »

Le vieillard se tut, et je m’abstins de le questionner, réfléchissant que lui-même, s’il le trouvait convenable, me donnerait spontanément plus d’éclaircissements. Après un court moment de silence, pendant lequel il avait paru complètement absorbé, mon grand-oncle reprit : « Cousin, as-tu assez de courage, à présent que tu sais ce qui en est, pour affronter encore une fois la visite du revenant, de compagnie avec moi ? »

Je n’avais certes rien à répondre, sinon que je me sentais toute la résolution nécessaire. « Eh bien donc ! continua-t-il, nous allons veiller ensemble la nuit prochaine. — Une voix intérieure me dit que le sorcier maudit, s’il ose braver ma supériorité morale, sera obligé de céder à mon courage ; car je le puise dans la ferme confiance que j’entreprends une œuvre pieuse et méritoire en exposant ma vie, s’il le faut, pour chasser le mauvais génie, qui seul a