Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/244

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joie lorsqu’elle prit place justement à côté de la baronne qui lui fit une inclination amicale ; je m’assis auprès d’elle.

Dès lors on peut concevoir que toutes mes paroles s’adressaient bien davantage encore à la baronne elle-même qu’à ma voisine. Sans doute que l’inspiration de ce moment communiquait un certain élan à mes discours, car la demoiselle se montrait de plus en plus attentive, et insensiblement elle tomba tout à fait sous le charme des images variées et merveilleuses dont je colorais mes récits. Ainsi que je l’ai déjà dit, elle n’était pas dépourvue d’esprit, et bientôt notre entretien, devenu complètement indépendant du verbiage confus des autres convives, s’anima de sa propre impulsion, et prit la tournure que je désirais. Je m’aperçus fort bien de l’attention que nous prêtait la baronne sur les regards significatifs de la demoiselle. Cela me frappa surtout lorsqu’ayant amené la conversation sur la musique, je m’exprimai avec enthousiasme sur cet art délicieux et divin, et quand je fis connaître à la fin, que malgré ma condition dans la carrière aride et fastidieuse de la jurisprudence, je touchais cependant du piano avec assez de facilité, que je chantais aussi, et que même j’avais déjà composé quelques ariettes.

On venait de rentrer dans le salon pour prendre le café et les liqueurs, et je me trouvai à l’improviste et tout surpris devant la baronne qui avait abordé sa demoiselle de compagnie. Elle m’adressa aussitôt la parole, et me réitéra d’un ton affable et presque familier la question qu’elle m’avait déjà faite