Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

arme sûre en cas de besoin, pourvu qu’on sache conserver son sang-froid. »

La partie du bois, où devaient se trouver les loups, fut cernée par les chasseurs. Il faisait un froid glacial, le vent hurlait à travers les pins et me chassait dans le visage d’épais flocons de neige, si bien qu’à l’approche du crépuscule je pouvais à peine distinguer les objets à six pas de distance. Tout engourdi, je quittai la place qui m’avait été assignée, et je cherchai un abri plus avant sous les arbres. Là, j’appuyai contre un pin mon arquebuse, et, sans plus m’occuper de la chasse, je m’abandonnai à mes rêveries, qui me transportaient dans la chambre de Séraphine.

Bientôt plusieurs coups de fusil retentirent dans le lointain ; au même moment, j’entends un bruit dans le fourré qui réveille mon attention, et, à dix pas de moi, j’aperçois un loup énorme prêt à s’élancer. Je vise aussitôt et je tire, mais je le manque ! L’animal bondit vers moi avec des yeux pleins de rage… J’étais perdu si je n’avais conservé assez de présence d’esprit pour m’armer du couteau de chasse, que j’enfonçai profondément dans son gosier, de sorte que le sang rejaillit sur mon bras et sur mes mains.

Un des gardes-chasse du baron, qui était posté à l’affût prés de moi, accourut en jetant de hauts cris, et, sur son signal répété, tout le monde se rassembla autour de nous. Le baron s’élança vers moi : « Au nom du ciel ! s’écria-t-il, vous saignez ! — vous saignez, vous êtes blessé ? » J’assurai le contraire.