Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Alors le baron accabla de reproches le garde-chasse, mon voisin, pour n’avoir pas tiré sur la bête immédiatement aprés mon coup manqué. Celui-ci protesta de l’impossibilité d’agir ainsi, attendu que l’extrême rapprochement du loup m’exposait moi-même à être atteint ; mais le baron soutenait toujours qu’il aurait dû veiller sur moi, vu ma qualité de chasseur novice. — Cependant on avait ramassé la bête. C’était une des plus grandes qui eût été abattue depuis longtemps. On admira généralement mon courage et ma résolution, quoique ma conduite me parût fort naturelle, et que je n’eusse, en effet, nullement songé au danger de mort que je courais.

Le baron surtout me témoigna le plus vif intérêt, il ne se lassait pas de me demander si je ne craignais rien des suites de l’émotion, quoique je n’eusse reçu aucune atteinte. En retournant au château, il me prit familièrement sous son bras et donna mon arquebuse à porter à un garde. Il ne tarissait pas sur mon héroïsme, si bien que je finis par y croire moi-même, et, mettant de côté toute timidité, je me vis décidément caractérisé vis-à-vis du baron comme un homme de cœur et doué d’une rare énergie. — L’écolier avait passé son examen à son honneur : il n’était plus écolier, et il avait abjuré toute crainte humiliante. Bref, j’imaginais avoir dûment acquis le droit de briguer les faveurs de Séraphine !… De quels sots écarts l’imagination d’un jeune homme n’est-elle pas capable !

Au château, près de la cheminée et d’un bol de punch fumant, je continuai d’être le héros du jour.