Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/297

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de la famille, qui devenait par conséquent baron de R***, et titulaire du majorat. Ne mettant nullement en doute la prévision de son vieux père, il avait quitté Vienne, où il séjournait passagèrement, aussitôt qu’il avait reçu la lettre fatale, et s’était mis en route à la hâte pour R....sitten. L’intendant avait fait tapisser de noir la grand’salle, et avait fait placer le vieux baron, dans les mêmes habits où on l’avait trouvé le jour de sa mort, sur un lit de parade magnifique, entouré de cierges allumés dans de grands chandeliers en argent.

Wolfgang monta l’escalier en silence, entra dans la salle, et s’approcha tout près du cadavre de son père. Là, les bras croisés sur la poitrine, et fronçant le sourcil, il arrêta sur ce pâle visage un regard fixe et sombre. Pas une larme ne vint mouiller sa paupière. Immobile, il ressemblait à une statue. À la fin, il étendit son bras droit vers le corps d’un mouvement presque convulsif, et murmura d’une voix sourde : « Était-ce pour obéir aux astres que tu as fait le malheur d’un fils que tu aimais ? » Puis, rejetant ses mains en arrière, et reculant d’un pas, le baron, levant les yeux au ciel, dit tout bas, et presque en hésitant : « Pauvre vieillard déçu ! le temps de la folie et des illusions niaises est passé maintenant ! — Maintenant tu peux te convaincre que les humbles destinées d’ici-bas n’ont aucun rapport avec les constellations et les étoiles. Y a-t-il une puissance, une volonté qui soit supérieure au trépas ? »

Le baron s’arrêta encore quelques minutes, puis