Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/298

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il s’écria violemment : « Non ! ce bonheur terrestre dont tu as voulu me priver, ton opiniâtreté ne m’en ravira pas une obole ! » Et en disant cela, il arracha de sa poche un papier plié, et, le tenant entre deux doigts, l’approcha d’un des cierges qui entouraient le corps. Le papier, saisi par la flamme, se consuma rapidement ; mais aux reflets tremblants projetés sur le visage du défunt, on eût cru voir ses muscles s’agiter, et il sembla que le vieux baron articulait des paroles muettes, au point que les domestiques, qui se tenaient debout à quelque distance, furent tous frappés d’épouvante et d’horreur. Le baron acheva tranquillement ce qu’il avait entrepris, ayant soin d’incinérer avec le pied jusqu’au plus petit morceau de papier enflammé qui tombait par terre. Ensuite il jeta un dernier regard sur son père, et sortit de la salle à pas précipités.

Le lendemain, Daniel lui apprit comment la tour avait été détruite ; et, après une relation verbeuse et détaillée de la nuit où était mort le vieux seigneur, il finit par exposer qu’il était urgent de faire réparer la tour, qui pouvait, en s’écroulant davantage, causer un dommage grave, sinon la ruine totale du château. Mais le baron, se tournant alors vers le vieux domestique, s’écria, les yeux enflammés de colère : « Faire réparer la tour ?… Jamais ! — Ne comprends-tu pas, vieillard, ajouta-t-il plus modérément, que cette tour ne pouvait s’écrouler ainsi sans quelque secret motif ? N’est-il pas probable que mon père avait résolu de détruire ce lieu témoin de ses opérations de sorcellerie, et qu’il avait su