Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/304

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retournant vers le vieil intendant, le remercia de sa fidélité à toute épreuve, en lui assurant que sa rigueur antérieure n’avait eu pour cause que de calomnieux rapports. Il ajouta que non seulement il le gardait au château, mais qu’il lui conservait sa pleine activité de service à titre d’intendant, et avec des gages doublés. « Je te dois une réparation pleine et entière, dit enfin le baron, si tu veux de l’or, prends un de ces sacs. » Et, les yeux baissés, et demi-penché vers le vieillard, il lui indiquait de la main le coffre dont il se rapprocha de nouveau. Une ardente rougeur colora subitement la figure de Daniel, qui se mit à gémir douloureusement, et, comme le baron l’avait dépeint au justicier, de la même manière qu’aurait pu le faire un animal blessé à mort. En ce moment, V*** frissonna au murmure confus de la voix de l’intendant, qui sembla balbutier entre ses dents : « Non pas de l’or, mais du sang ! »

Le baron, absorbé dans la contemplation du trésor, ne s’était aperçu de rien de tout cela. Daniel, dont tous les membres tremblaient, comme sous l’impression d’une fièvre nerveuse, s’approcha du baron la tête inclinée, et lui baisant la main dans une attitude humble et soumise, il dit d’un ton plaintif, tandis qu’il paraissait avec son mouchoir essuyer quelques larmes : « Ah ! mon cher et grâcieux maître ! que voulez-vous que je fasse de cet or, moi un pauvre vieillard sans famille ! mais le double de mes gages, je l’accepte avec joie et je veux remplir mes fonctions avec zèle et persévérance. »