Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

V. s’apprêtait à prendre la parole ; mais vous ne savez rien, vous ne savez pas que mon malheureux frère… oui, je ne veux l’appeler que malheureux, se place sans cesse sur mon passage pour empoisonner tous mes plaisirs, tel qu’un esprit malfaisant. Il n’a pas dépendu de lui que je ne fusse accablé d’une infortune sans égale : il a tout fait pour cela, mais la Providence ne l’a pas secondé. Depuis le jour où fut promulguée l’institution du majorat, il me poursuit d’une haine mortelle ; il m’envie un bien qui, entre ses mains, se serait dissipé comme de la paille hachée. C’est le prodigue le plus insensé qui existe ; ses dettes excèdent de beaucoup la moitié qui lui revient de la fortune franche en Courlande, et maintenant qu’il est poursuivi par d’implacables créanciers, il vient ici en toute hâte mendier des ressources ! »

Et vous, son frère, vous refusez !… » C’est ainsi que V. se préparait à l’interroger ; mais le baron s’écria violemment en quittant ses mains et reculant de plusieurs pas : « Arrêtez ! oui, je refuse ! Je ne puis ni ne dois jamais faire abandon d’un seul écu des revenus du majorat. — Mais écoutez la proposition que j’ai faite en vain à cet insensé il y a quelques heures, et appréciez ensuite ma conduite envers lui. Les biens de la famille en Courlande sont, comme vous le savez, considérables : je consentais à renoncer à la moitié qui m’appartient, mais en faveur de sa famille. Hubert a épousé en Courlande une jeune demoiselle noble, mais sans fortune, dont il a eu des enfants qui partagent aujourd’hui sa