Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/344

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malheureux que je suis ! j’ai assassiné le pauvre vieillard. De ma vie je n’aurai plus une seule heure de repos… »

Le justicier, lorsque les domestiques eurent emporté le corps mort et que la salle fut évacuée, s’approcha du baron, qui continuait à s’accuser lui-même, et, le conduisant par la main dans un profond silence jusqu’à la porte murée, il lui dit : « Baron Roderich ! celui qui vient de tomber ici mort à vos pieds était l’infâme meurtrier de votre père ! » — Le baron regardait V. fixement comme frappé d’une vision infernale ; mais celui-ci continua : « Il est temps maintenant de vous dévoiler l’horrible secret qui pesait sur le criminel, et le livrait aux heures du sommeil en proie au génie des malédictions : c’est la Providence qui a permis que le fils vengeât ainsi le meurtre de son père : les mêmes paroles que votre voix a fait retentir aux oreilles du somnambule homicide, ce sont les dernières que votre malheureux père a prononcées. »

Tremblant et incapable de dire un seul mot, le baron prit place à côté du justicier, qui s’était assis devant la cheminée. V. commença par le contenu du mémoire que lui avait remis Hubert pour être décacheté après l’ouverture du testament. Hubert confessait avec des expressions empreintes du plus sincère repentir, qu’une haine implacable avait pris racine dans son âme contre son frère ainé du jour où le vieux Roderich avait institué le majorat. Il se voyait sacrifié sans ressource, puisqu’alors même qu’il eût réussi à jeter méchamment la désunion