Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/347

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d’en ramener sa femme bien-aimée. Mais la mort le surprit avant qu’il pût exécuter cette résolution.

Hubert cacha avec soin tout ce qu’il savait relativement au mariage de son frère et au fils qui en était né ; et ce fut ainsi qu’il resta maître du majorat au préjudice de ce dernier. Mais quelques années étaient à peine écoulées, qu’un remords violent s’empara de son âme. La fatalité lui faisait subir de cruelles représailles dans la haine réciproque qui, de jour en jour, s’envenimait davantage entre ses deux fils.

« Tu es un malheureux, un pauvre diable ! disait un jour l’ainé, âgé de douze ans, à son jeune frère ; mais moi je serai, à la mort de notre père, seigneur du majorat de R....sitten ; et alors il te faudra venir bien humblement me baiser les mains si tu veux que je te donne de l’argent pour t’acheter un habit neuf. » Le cadet, exaspéré par cette insultante fierté, frappa son frère d’un couteau qu’il avait en ce moment à la main, et le blessa presque mortellement. Hubert, craignant dès lors quelque catastrophe, envoya son plus jeune fils à Pétersbourg, d’où il partit plus tard sous les ordres de Suwarow, pour combattre les Français ; et c’est dans cette guerre qu’il fut tué.

La crainte de la honte et du mépris qui seraient retombés sur lui empêchait Hubert d’avouer publiquement que sa possession du majorat était usurpée et frauduleuse. Mais il résolut de ne plus distraire à l’avenir un seul denier au détriment du légitime propriétaire. Il prit des renseignements à Genève, et sut que madame Born, inconsolable de l’étrange disparition