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de Hoffmann.

ral. Vois ces milliers de petites bulles qui surgissent le long du verre comme autant de perles et qui s’agitent en mousse à la surface, ce sont les esprits volatils qui se dégagent impatiemment de leur prison matérielle. Ainsi vit et se meut, pareille à cette écume, notre essence spirituelle, qui, affranchie de ses liens terrestres et déployant gaîment ses ailes, s’élance avec bonheur au-devant des esprits supérieurs de même ordre, hôtes de l’empire céleste qui nous est à tous promis, et qui admet et comprend sans effort, dans leur signification la plus intime, les événements surnaturels ou mystiques. Il se peut donc aussi que les rêves soient le résultat de cette fermentation qui suscite nos esprits vitaux, devenus libres et flottants quand le sommeil vient enchaîner nos sens, en substituant à la vie expansive une vie d’intensité supérieure, qui non seulement nous fait pressentir les mystérieux rapports du monde des esprits invisibles, mais laisse notre âme planer réellement au-delà des limites de l’espace et du temps.

Il me semble entendre raisonner ton ami Alban, s’écria le vieux baron en s’efforçant de se soustraire aux souvenirs qui l’avaient rendu rêveur. Vous connaissez du reste mon incrédulité sur cette matière. Ainsi tout ce que tu viens de débiter est fort beau à entendre, et certaines âmes sentimentales ou jalouses de le paraître peuvent s’y complaire ; mais rien que pour être systématique, tout cela est faux ! D’après tes théories de relation avec le monde des purs esprits, et, que sais-je encore, ne serait-on pas porté à croire que les rêves doivent procurer à