Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/372

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Sans laisser à personne le temps de se formaliser de son incartade, Bickert continua avec feu : « Dieu ! que vous dévoilerai-je encore des calamités terribles qui ont empoisonné mes rêves ? Une fois, revenu à ma vingtième année, je me faisais une fête de danser au bal avec elle. J’avais mis ma bourse à sec pour donner à mon vieil habit un certain air de fraîcheur en le faisant retourner adroitement, et pour m’acheter une paire de bas de soie blancs. J’arrive enfin heureusement à la porte du salon étincelant de mille lumières et de superbes toilettes : je remets mon billet ; mais ne voilà-t-il pas qu’un chien damnable de portier ouvre devant moi l’étroit coulisseau d’un poêle, en me disant, d’un ton poli à mériter qu’on l’étranglât tout vif : ‹ Que monsieur se donne la peine d’entrer, c’est par là qu’il faut passer pour arriver dans le salon. › Mais ce ne sont encore là que des misères auprès du rêve affreux qui m’a tourmenté et supplicié la nuit dernière : ha !… J’étais de venu une feuille de papier cavalier, ma silhouette figurait juste au milieu comme marque distinctive ; et quelqu’un… c’était, dans le fait, un enragé de poète bien connu de tout le monde, mais disons quelqu’un, ce quelqu’un était armé d’une plume de dindon démesurément longue, mal fendue et dentelée, avec laquelle, tandis qu’il composait des vers raboteux et barbaresques, il griffonnait sur moi, pauvre infortuné, et me lacérait dans tous les sens. Une autre fois, un démon d’anatomiste ne s’est-il pas amusé à me démonter comme une poupée articulée, et à torturer mes membres par toutes sortes d’essais