Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/379

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science que Dieu lui a donné le pouvoir d’exercer.

— Je noierai dans le punch, dit Bickert, toutes les remarques qui me viendront sur la langue ; mais je veux rester libre de faire autant de singeries qu’il me plaira. Je ne fais aucune concession la-dessus. — Accordé ! » s’écria le baron. Et Ottmar, sans plus de préambule, commença en ces termes :

« Mon ami Alban connut à l’université de J.... un jeune homme dont l’extérieur avantageux séduisait tout le monde au premier abord, et qui se voyait accueilli partout avec bienveillance et empressement. L’analogie de leurs études, consacrées à la médecine, et la circonstance de leur réunion chaque matin dans la salle des cours, où leur zèle assidu les amenait tous deux toujours les premiers, établirent bientôt entre eux des relations intimes, et peu à peu ils furent liés de l’amitié la plus étroite ; car Théobald, ainsi s’appelait ce jeune homme, joignait au meilleur caractère l’âme la plus expansive. Mais chaque jour se développaient en lui davantage une susceptibilité excessive et une imagination rêveuse, voisine d’une molle langueur, lesquelles, dans ce siècle positif, qui, tel qu’un lourd géant bardé de fer, marche en avant sans se soucier de ce qu’il broye sur son passage, paraissaient si mesquines et si efféminées, que la plupart en faisaient un sujet de raillerie.

» Alban seul, indulgent pour l’âme tendre de son ami, ne dédaignait pas de le suivre dans ses petits jardins fantastiques tout fleuris, quoiqu’il s’appliquât sans cesse à le rappeler aux rudes tempêtes de