Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/439

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aiguë se déclara à la suite. Le colonel appela à lui toute son énergie, mais on voyait bien à son air défait quelle impression profonde et pernicieuse lui avait causée ce phénomène inexplicable.

La vieille française était prosternée à genoux la figure contre terre, marmottant des prières. L’événement n’eut pour elle aucune suite fâcheuse, non plus qu’à l’égard d’Adelgonde. Mais la femme du colonel succomba au bout de peu de temps. Pour Augusta, elle résista à la maladie ; mais sa mort était assurément plus désirable que son état actuel.

Elle, l’enjouement et la grâce de la jeunesse personnifiés, l’aimable enfant dont je vous ai d’abord tracé le portrait, elle est atteinte d’une folie plus horrible, plus épouvantable, du moins à mon avis, que toute autre résultant pareillement d’une certaine idée fixe. Elle s’imagine, en effet, qu’elle-même est ce fantôme invisible et incorporel qui poursuivait sa sœur. Elle fuit par conséquent tout le monde, ou du moins se garde bien, dès que quelqu’un est avec elle, de parler et de se mouvoir ; à peine ose-t-elle respirer. Car elle croit fermement que si elle trahit sa présence d’une manière ou d’une autre, chacun doit mourir de frayeur. On lui met sa nourriture dans sa chambre ; on ouvre les portes devant elle, et elle se glisse furtivement pour entrer et sortir avec mille précautions. Elle mange de même à la dérobée, et ainsi du reste. Peut-on concevoir une plus pénible situation ?

Le colonel, accablé de chagrin et de désespoir, a suivi les drapeaux dans la récente campagne, et