Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/58

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La Martinière, qui n’était pas encore couchée. Au bruit de ces coups répétés, elle se souvint que l’absence de Baptiste la laissait avec sa maîtresse privée de tout secours, et mille images de vol, de meurtre, la pensée de tous les attentats qui se commettaient alors dans Paris, vinrent assaillir son esprit. Elle se persuada que c’était une troupe de malfaiteurs, informés de la solitude du logis, qui frappaient à la porte, prêts à exécuter, si on la leur ouvrait, quelque mauvais dessein sur sa maîtresse, et, toute tremblante de peur, elle restait immobile dans sa chambre, en maudissant Baptiste et la noce de sa sœur.

Cependant on continuait à frapper avec violence, et elle crut entendre une voix crier en même temps : « Mais ouvrez donc, au nom de Jésus ! mais ouvrez donc ! » — Enfin, au comble de l’effroi, La Martinière saisit un flambeau allumé et se précipita dans le vestibule. Alors elle entendit bien distinctement répéter ces mots : « Au nom de Jésus, ouvrez ! ouvrez donc ! — Au fait, se dit La Martinière, ce n’est pas ainsi que s’exprime un voleur. Qui sait ? c’est peut-être un homme poursuivi qui vient demander un refuge à ma maîtresse, dont le caractère généreux est si notoire. Mais soyons prudente ! » Elle ouvrit une fenêtre, et, en cherchant à grossir sa petite voix de l’accent le plus mâle possible, elle demanda qui faisait à la porte un pareil vacarme, à cette heure indue. À la lueur d’un rayon de la lune qui perçait en ce moment à travers les nuages sombres, elle distingua une longue figure enveloppée d’un manteau gris-clair, avec un large chapeau rabattu sur son