Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/59

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front. Alors elle cria assez fort pour que l’individu de la rue pût l’entendre : « Baptiste ! Pierre ! Claude ! sus ! levez-vous, et voyez un peu quel vaurien travaille ici à démolir la maison ! »

Mais une voix douce et presque plaintive lui répondit d’en bas : « La Martinière ! eh, je sais que c’est vous, chère dame, malgré vos efforts pour contrefaire votre voix, je sais aussi que Baptiste est absent et que vous êtes seule dans la maison avec votre maîtresse ; ouvrez-moi hardiment, ne craignez rien : il faut absolument que je parle à votre demoiselle à l’instant même.

— Y pensez-vous ? répliqua La Martinière, vous voulez parler à mademoiselle au milieu de la nuit ? Ne devinez-vous pas qu’elle dort depuis longtemps, et que, pour rien au monde, je ne voudrais la réveiller de son premier sommeil, ce sommeil si salutaire dont elle a tant besoin à son âge. — Je sais, dit l’étranger, que votre maîtresse vient de mettre de côté le manuscrit de son roman de Clélie, dont elle s’occupe assidûment, et qu’elle écrit encore à présent des vers qu’elle compte lire demain à la marquise de Maintenon. Je vous en conjure, dame Martinière, par pitié, ouvrez-moi la porte. Apprenez qu’il s’agit de sauver un malheureux de sa ruine, apprenez que l’honneur, la liberté, même la vie d’un homme dépendent de cette minute, et de l’entretien que je dois avoir avec votre demoiselle. Songez que votre maîtresse vous en voudrait éternellement en apprenant que vous auriez chassé durement du seuil de sa demeure un infortuné venu pour implorer son