Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/66

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Cependant Exili, malgré ses précautions, fut suspecté d’avoir vendu des poisons, et on le conduisit à la Bastille. — Bientôt après, fut enfermé dans la même chambre le capitaine Godin de Sainte-Croix. Ce dernier avait longtemps entretenu avec la marquise de Brinvilliers des relations qui déversaient la honte sur toute la famille, au point que son père, Dreux d’Aubray, lieutenant civil de Paris, voyant le marquis rester indifférent aux excès scandaleux de sa femme, mit lui-même un terme à ce commerce, au moyen d’une lettre de cachet obtenue contre le capitaine.

Ce Sainte-Croix était un homme violent, sans caractère, livré aux pratiques d’une feinte dévotion, et adonné à tous les vices dès sa jeunesse. Envieux et vindicatif jusqu’à la rage, rien ne pouvait mieux lui agréer que la rencontre d’Exili, dont l’infernal secret lui offrait la possibilité d’anéantir tous ses ennemis. Il se fit donc l’élève zélé de l’Italien, dont bientôt il devint l’égal, et, à sa sortie de la Bastille, il était en état de poursuivre tout seul ces pernicieuses recherches.

La Brinvilliers était une femme corrompue, dégénérée, Sainte-Croix la rendit un monstre. Il la provoqua successivement à empoisonner d’abord son propre père, vieillard qu’elle entourait de soins assidus avec une hypocrisie infâme, puis ses deux frères, et enfin sa sœur ; son père par vengeance, les autres par convoitise d’un riche héritage. L’histoire de plusieurs empoisonneurs fournit la preuve épouvantable que cette nature de crimes devient souvent une passion