Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/67

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irrésistible. Sans aucun but, uniquement pour satisfaire leur envie, comme un chimiste tente des expériences pour son plaisir, on a vu certains empoisonneurs tuer des personnes dont la vie ou la mort leur était complètement indifférente. La mort subite de plusieurs pauvres à l’Hôtel-Dieu fit soupçonner plus tard l’empoisonnement des pains que la Brinvilliers avait coutume d’y faire distribuer chaque semaine, pour s’attirer la réputation d’un modèle de piété et de bienfaisance. Au moins, est-il constaté qu’elle fit plus d’une fois servir à ses hôtes des pâtés de pigeons empoisonnés. Le chevalier du Guet et plusieurs autres personnes moururent victimes de ces repas exécrables.

Sainte-Croix, son complice La Chaussée et la Brinvilliers, surent longtemps couvrir d’un voile impénétrable leurs horribles forfaits ; mais quels êtres réprouvés ne voient à la fin échouer leurs artifices, quand la puissance divine a résolu la punition terrestre des coupables ? — Les poisons fabriqués par Sainte-Croix étaient si subtils, que si la poudre qui leur servait de base (les Parisiens la désignaient sous le nom de poudre de succession) eût été laissée à découvert pendant l’opération, une seule aspiration suffisait pour donner immédiatement la mort. Sainte-Croix portait à cause de cela un masque de verre très mince durant ses manipulations. Un jour, tandis qu’il était occupé à recueillir dans une fiole la poudre vénéneuse qu’il venait de fabriquer, ce masque tomba, et la poussière volatile qu’il respira le fit tomber mort sur la place.