Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/91

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et qu’il ne différait plus de livrer ses ouvrages à ses clients, quoique ce soit toujours avec les signes d’un profond chagrin, et même sans vouloir les regarder en face. »

Mademoiselle de Scudéry, non moins intéressée à voir les bijoux restitués, si cela était encore possible, à leur légitime propriétaire, dit qu’on pourrait prévenir tout de suite l’artiste original qu’on ne voulait réclamer de lui aucun travail, mais seulement avoir son avis sur des joyaux de prix. La marquise adopta cette idée ; elle envoya mander Cardillac. — Mais lui, comme s’il avait été rencontré en route, parut dans l’appartement au bout de quelques minutes.

Il sembla étonné à l’aspect de mademoiselle de Scudéry, et, comme quelqu’un à qui un saisissement subit, imprévu, fait oublier ce qu’exigent les convenances et sa situation, il commença par adresser respectueusement une salutation profonde à l’honorable et digne demoiselle, puis il se retourna vers la marquise. Celle-ci lui demanda avec vivacité, en indiquant la parure qui brillait sur la table, couverte d’un tapis vert-foncé, s’il reconnaissait là son ouvrage. Cardillac y jeta à peine les yeux, et, en considérant la marquise en face, il s’empressa de remettre les bracelets et le collier dans la cassette, qu’il repoussa vivement ensuite de la main. Il dit alors, pendant qu’un sourire amer crispait ses traits colorés : « En effet, madame la marquise, il ne faut guère connaître les ouvrages de Réné Cardillac, pour croire, un seul instant, qu’un autre joaillier au monde