Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/90

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rit d’une façon diabolique en voyant par la fenêtre le futur sortir de chez lui tout éclopé, et portant son mouchoir sur son nez meurtri.

Ce qui n’était pas moins inexplicable, c’était de voir souvent Cardillac, après avoir entrepris un travail avec enthousiasme, supplier tout à coup celui qui le lui avait commandé, avec les protestations les plus touchantes, avec tous les signes d’une émotion profonde, au milieu des larmes et des sanglots, et au nom de la Vierge et des saints, de ne plus lui réclamer l’ouvrage entrepris. En outre, plusieurs personnes, des plus considérées à la cour et parmi le peuple, avaient en vain offert des sommes considérables à Cardillac pour avoir le moindre bijou fabriqué de ses mains. Il s’était jeté aux genoux du roi en implorant, comme une grâce, d’être exempté de travailler pour lui. Il avait résisté aussi à toutes les instances de madame de Maintenon, et ce fut avec la plus extrême répugnance, avec une expression d’horreur qu’il refusa de faire une petite bague, ornée d’emblèmes des arts, qu’elle voulait donner en présent à Racine.

« Je parie, dit madame de Maintenon préoccupée de ces circonstances, que si j’envoie chercher Cardillac afin de savoir au moins pour qui il a fait cette parure, il ne voudra point venir, dans l’appréhension que je ne veuille le faire travailler pour moi, ce qu’il a refusé de faire jusqu’ici opiniâtrément. Cependant il parait depuis quelque temps se relâcher de ses étranges scrupules, car j’ai entendu dire qu’il acceptait plus de commandes aujourd’hui que jamais