Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/95

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et la véritable règle de la parfaite galanterie, il commence à livrer l’assaut à votre cœur par de riches présents. » Madame de Maintenon poussa même la plaisanterie jusqu’à engager mademoiselle de Scudéry à n’être pas trôp cruelle envers cet amant désespéré. Et celle-ci, se livrant à son humeur naturelle, repartit à ce propos par mille folies, disant que, s’il en était ainsi, elle se verrait bien obligée de céder, et réduite à donner au monde l’exemple inoui d’une fille de soixante-treize ans, d’une noblesse sans tache, devenant l’épouse d’un joaillier. Madame de Maintenon s’offrit à tresser sa couronne de fiancée et à la mettre au fait des devoirs d’une bonne ménagère, dont assurément ne devait pas savoir grand’chose une péronnelle de son âge.

Mais, lorsque mademoiselle de Scudéry se leva enfin pour quitter la marquise, ce joyeux badinage ne put l’empêcher de redevenir très-sérieuse en prenant l’écrin dans ses mains. « Quoi qu’il en soit, dit-elle, madame la marquise, je ne pourrai jamais me résoudre à faire usage de ces bijoux. De quelque manière que cela soit arrivé, ils ont été entre les mains de ces infâmes bandits, les auteurs de tant de vols et de meurtres qu’on attribuerait volontiers au diable lui-même, et qui sont peut-être le résultat d’un pacte horrible avec lui. Ces superbes joyaux me font horreur, car il me semble les voir tachés de sang. — D’ailleurs, je dois l’avouer, la conduite même de Cardillae me cause une impression étrange et sinistre. Je ne puis réprimer un sombre pressentiment qui me dit qu’au fond de tout cela réside