Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 2, trad. Egmont, 1836.djvu/96

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quelque affreux mystère… Et cependant j’ai beau repasser dans mon esprit toutes les circonstances de cette affaire, rien ne peut me faire soupçonner en quoi ce mystère consiste, ni surtout comment maître Réné, si brave et si probe, le modèle enfin d’un bon et honnête bourgeois, pourrait se trouver mêlé à quelque chose de mal et d’illicite. — Mais, ce qui est certain, c’est que jamais je ne consentirai à me parer de ces joyaux. »

La marquise dit d’abord que c’était pousser trop loin les scrupules ; mais lorsque mademoiselle de Scudéry l’eut priée de lui dire en conscience ce qu’elle ferait à sa place, elle répondit d’un ton aussi sérieux que décidé : « Ah ! plutôt jeter ces bijoux dans la Seine que de les porter jamais ! »

Mademoiselle de Scudéry composa sur l’entrevue de maître Réné des vers fort gracieux, qu’elle lut le lendemain soir devant le roi chez madame de Maintenon. On peut croire que, surmontant ses funestes pressentiments, elle avait su s’égayer sur le compte de maître Réné, en peignant de vives couleurs la bizarre alliance qui eût dû unir le bon orfèvre à une épouse septuagénaire de la plus antique noblesse. liref, le roi en rit de tout sou cœur et jura que Boileau Despréaux avait trouvé son maître en mademoiselle de Scudéry, ce qui fit passer ses vers pour les plus spirituels qu’on eût jamais faits.