Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 4, trad. Egmont, 1836.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lâche et basse flatterie : non, c’est l’action d’un esprit bienveillant souffrant le mal patiemment, ou plutôt une complaisante résignation à prêter l’oreille à des sons confus qui aspirent en vain à passer pour de la musique ; et cette bienveillance, cette résignation, ne proviennent que d’un certain sentiment de bien être intérieur, qui lui-même est le résultat immanquable des copieuses libations d’un vin généreux pendant et après un succulent diner. — J’avoue que tout cela me prévient en faveur des musiciens, dont le royaume du reste n’est pas de ce monde, de sorte qu’ils font l’effet d’étrangers venus d’une contrée inconnue et lointaine, étonnant par la singularité de leur extérieur, de leurs façons d’agir, et je dirai même se rendant ridicules, car il suffit que Pierre tienne sa fourchette de la main gauche, pour que Jean, qui a tenu toute sa vie la sienne de la main droite, se moque de lui.

MOI.

Mais pourquoi les gens ordinaires se moquent-ils ainsi de tout ce qui sort de leurs habitudes ?

BERGANZA.

Parce que les choses auxquelles ils sont accoutumés leur sont devenues si commodes, qu’ils regardent celui qui agit d’autre manière comme un fou, en s’imaginant qu’il se tourmente beaucoup pour faire ainsi, dans l’ignorance de leur manière traditionnelle ; alors ils se félicitent et se réjouissent de voir l’étranger si bête, tandis qu’ils s’estiment si