Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/186

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— Mon dieu, je ne parle, dit Bodoeri avec un fin sourire, de personne autre que de ma chère petite nièce.

— Comment ta nièce ? interrompit Falieri, mais ne se maria-t-elle pas, pendant que j’étais podestat de Trévise, avec Bertuccio Nenolo ? — Tu penses, répliqua Bodoeri, à ma nièce Francesca, et c’est sa fille que j’ai voulu désigner. Tu sais que le valeureux Nenolo périt dans une expédition navale : Francesca dans la douleur de son veuvage s’enferma à Rome dans un couvent. Alors je fis élever la petite Annunziata à ma villa près Trévise, au sein d’une profonde solitude.

— Eh quoi ! interrompit de nouveau Falieri avec humeur, c’est la fille de ta nièce que tu me destines pour femme ? que veux-tu dire ? — Combien y a-t-il de temps que Nenolo s’est marié ? — Annunziata doit être un enfant de dix ans tout au plus. Quand je fus nommé podestat de Trévise, on ne pensait pas encore à marier Nenolo, et il y a de cela — Vingt-cinq ans, répondit Bodoeri en riant. Ah ! comment peux-tu si mal calculer un temps si vite passé pour nous ? Annunziata est une fille de dix-neuf ans, belle comme les astres, sage, modeste, n’ayant aucune expérience de l’amour, car à peine a-t-elle vu un homme ; elle te sera attachée d’un amour filial et avec un dévouement absolu.

— Je veux la voir, je veux la voir, » s’écria le doge qui se représenta vivement le portrait que Bodoeri lui avait fait de la belle Annunziata. — Son désir fut satisfait le même jour, car à peine était-il