Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/189

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Marc, au moment où il passait devant elle sans la voir. S’étant retourné subitement et apercevant la vieille, il mit la main dans sa bourse et en tira une poignée de sequins qu’il se disposait à lui jeter. « Ô laisse ton or tranquille ! lui dit la vieille en ricanant, que veux-tu que je fasse de ton or ? ne suis-je pas assez riche ? — Mais, si tu veux me rendre service, fais-moi faire un nouveau capuchon, car celui que je porte ne peut plus me protéger contre le vent et la pluie. — N’est-ce pas, mon fils ? mon fils chéri ! — Mais tiens-toi loin du fontego surtout, du fontego. » —

Antonio considérait attentivement le visage hâve et jauni de la vieille, dont les rides profondes se contractaient d’une manière bizarre et horrible. Quand, faisant claquer tout-à-coup ses mains sèches et osseuses, elle se reprit à marmotter d’une voix aigre et avec son ricanement insupportable : « Tiens-toi loin du fontego ! » Antonio s’écria : « Ne cesseras-tu donc jamais tes folles piailleries, sorcière ! »

Dès qu’il eut lâché ces mots, la vieille tomba comme frappée de la foudre en roulant du haut des degrés de marbre. Antonio courut à elle, la retint des deux mains et atténua la gravité de la chute. « Ô mon fils, dit alors la vieille en gémissant, quelle affreuse parole tu as prononcée ! Oh ! tue moi plutôt que de répéter ce mot. — Non, tu ne sais pas combien tu m’as affligée, moi qui te porte si tendrement dans mon cœur. — Ah ! si tu savais… » — La vieille se tut subitement, cacha sa tête sous le lambeau de serge brune qui lui pendait sur les épaules en guise de mantelet, et recommença à gémir comme pénétrée