Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/203

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et d’un air préoccupé, certes, il me semble que je dois te croire. Mais qui était mon père ? comment se nommait-il ? à quel destin fatal a-t-il succombé dans cette nuit de terreur ? quel était l’homme qui me recueillit ? et… quel fut l’événement de ma vie passée qui domine et maîtrise encore aujourd’hui tout mon être, comme une révélation enchantée d’un monde inconnu et mystérieux, au point de confondre et d’égarer toutes mes pensées dans une mer de doutes et de ténébres ? — Il faut que tu m’apprennes cela, femme énigmatique : alors je te croirai.

— Tonino, répliqua la vieille en soupirant, je dois me taire dans ton intérêt ; mais bientôt, bientôt il sera temps. — Le fontego…, le fontego…, — ne va pas au fontego !

— Oh ! s’écria Antonio irrité, tes paraboles sont inutiles à présent pour me capter avec ton art réprouvé. Mon cœur est ulcéré ! — Il faut que tu parles, ou…

— Arrête, interrompit la vieille, des menaces ! à ta fidèle nourrice, à celle qui prit soin de ton enfance ! » —Sans attendre ce que la vieille était près d’ajouter, Antonio se leva et s’éloigna rapidement ; il lui cria à distance : « Tu n’en auras pas moins le capuchon neuf, et, par-dessus, autant de sequins que tu voudras. »

C’était en effet un étrange spectacle que celui du vieux doge, Marino Falieri, avec sa jeune épouse. Lui, à la vérité, encore assez fort et robuste ; mais avec sa barbe toute grise, le visage sillonné de rides,