Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/204

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la tête inclinée, la démarche pesante et pathétique ; elle, la grâce en personne, d’une beauté céleste et de l’aspect le plus suave, son regard langoureux animé d’une irrésistible magie, son front pur et blanc comme le lys, et ombragé de magnifiques cheveux bruns, empreint, à la fois, d’une digne fierté et d’une aménité pleine de noblesse : un doux sourire se jouait sur ses lèvres et semblait colorer ses joues ; à sa petite tête penchée avec une modestie charmante, à sa démarche dégagée, on croyait la voir, svelte et légère, mollement soulevée par les vagues. Exquise créature ! miraculeux modèle de femme, prêté à la terre par le ciel, sa véritable patrie. Vous connaissez ces figures angéliques que les anciens peintres savaient si bien imagiaer et retracer : — telle était Annunziata. Comment donc chacun à sa vue ne serait-il pas tombé dans une extase ravissante ? quel jeune patricien aurait pu ne pas s’enflammer, ne pas jurer dans son ardeur, en jetant sur le vieillard un coup-d’œil de dérision, qu’il deviendrait, quoi qu’il put en coûter, le Mars rival de ce nouveau Vulcain ? Annunziata se vit bientôt entourée d’adorateurs, dont elle accueillait les discours flatteurs et séduisants en silence et d’un air bienveillant, sans aucune arrière-pensée. Ses rapports avec son vénérable époux n’avaient rien révélé à son âme pure, sinon qu’elle devait l’honorer comme un seigneur et maître, et lui être soumise avec le dévouement absolu d’une fidèle servante ! Il était affable, il était même tendre pour elle ; il la pressait contre son sein glacé, l’appelait sa bien-aimée