Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/24

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monde, dégoûté des plaisirs bruyants, avait adopté, pour y passer ses soirées, une humble taverne de Berlin, où il fumait, comme tous les Allemands, avec passion, et où il aimait, comme tout le monde, à boire de bons vins, qu’il pouvait largement payer,6 on nous l’a représenté, sur le frontispice de ses œuvres, dans un caveau bien sombre, entouré de spectres et d’images sataniques, à califourchon sur un tonneau comme Silène, et aspirant des bouffées de fumée dans une pipe-monstre, du foyer de laquelle surgissent mille diablotins informes et tout un appareil effrayant de sorcellerie.

On nous dira sans doute qu’il ne faut voir là qu’un emblème, qu’une allusion au genre de ses écrits, dont les éditeurs allemands ont eux-mêmes donné l’exemple, sans qu’il en soit résulté de préjudice pour la mémoire de l’auteur. Mais il suffit d’un fait pour démentir cette assertion, et l’inconcevable jugement, porté sur Hoffmann par Walter Scott, prouve combien elle est erronée. Car nous aimons à croire que le romancier écossais n’a eu que le tort de baser son amère critique sur des renseignements faux et incomplets ; autrement ne serait-il pas responsable d’une injustice criante ? Et cette injustice, dont on serait tenté de l’absoudre, plutôt que d’y voir l’effet d’une rivalité de métier sans doute indigne de lui, ne faudrait-il pas l’attribuer à l’exagération de ses goûts aristocratiques qu’il aurait évidemment compromis en sanc-


6. Il a consacré le souvenir de cet endroit dans le conte de La Nuit de Saint-Sylvestre.