Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/253

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toucher et sans permettre que personne s’en serve. S’il sait où trouver quelques violons d’anciens maîtres célèbres, le conseiller les achète, quel que soit le prix qu’on en demande. De même qu’avec ses violons, il n’en joue qu’une seule fois, et ensuite les démonte, afin d’examiner scrupuleusement leur structure intérieure ; et s’il n’y trouve pas ce qu’il y cherche d’après ses idées, il en jette les morceaux avec dépit dans une grande caisse qui est déjà pleine de débris de violons démontés.

— Mais Antonia ? demandai-je avec vivacité. — Quant à cela, reprit le professeur, il y aurait de quoi me faire prendre en haine le conseiller, si je n’étais convaincu, en raison du caractère de Krespel, éminemment bon et même enclin à la faiblesse, qu’il y a nécessairement quelque mystère à ce sujet. Il y a plusieurs années, quand le conseiller vint habiter cette ville, il vivait en anachorète avec une vieille gouvernante dans une maison obscure de la rue de .... Bientôt il excita par ses singularités la curiosité des voisins. Aussitôt qu’il s’en fut aperçu, il chercha et se fit des connaissances. Ainsi que chez moi, on s’accoutuma partout à lui, au point qu’il devint presque indispensable. Malgré sa rudesse apparente, les enfants eux-mêmes finirent par l’aimer, sans cependant lui devenir à charge ; car, en dépit de leur sympathie, ils conservent pour lui une certaine vénération craintive qui le préserve de leurs importunités. Vous avez pu voir aujourd’hui par quelles séductions il sait gagner leur amitié. On le croyait partout un vieux garçon, et il ne songeait