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Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/326

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Clara. Mais il ne se rendit pas compte bien clairement des résultats de cette impression préméditée, ni de l’utilité de la tourmenter par ces images horribles, présageant la ruine et la destruction à son paisible amour.

Tous deux étaient assis dans le petit jardin de la mère de Nathanael. Clara était très-gaie, parce que depuis trois jours, consacrés par Nathanael à parfaire son œuvre, il ne l’avait pas poursuivie de ses rêves et de ses prévisions sinistres. Nathanael lui-même parlait avec vivacité et d’un air content de choses plaisantes, et Clara lui dit : « Ah ! c’est à présent que je te retrouve tout entier. Vois-tu bien comme nous avons chassé loin de nous le vilain Coppelius ? » Ce ne fut qu’alors que Nathanael se souvint de son poème et de sa rèsolution de le lire à Clara. Il en rassembla aussitôt les feuillets et commença sa lecture. Clara prévoyant quelque chose d’ennuyeux comme à l’ordinaire, et, se résignant, se mit à tricoter tranquillement. Mais aux images de plus en plus sombres qui s’accumulaient devant elle, elle laissa tomber ses aiguilles et tint ses regards fixés sur les yeux de Nathanael. Celui-ci était dominé tout entier par sa poésie, le feu qui l’embrasait colorait ses joues d’une vive rougeur, les larmes coulaient de ses yeux. Enfin sa lecture achevée, profondément accablé et gémissant, il saisit la main de Clara, et avec l’impression d’un désespoir inconsolable : « Ah ! s’écria-t-il, Clara ! — Clara ! »

Clara le pressa tendrement contre son sein, et dit avec douceur, mais lentement et du ton le plus sé-