Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/327

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rieux : « Nathanael ! — mon bien-aimé Nathanael ! — ce poème insensé…, extravagant…, ridicule, jette-le au feu ! » À ces mots, Nathanael se leva furieux et s’écria en repoussant Clara : « Automate inanimé ! automate maudit ! » et il s’enfuit en courant. Clara blessée si profondément répandit des larmes brûlantes. « Hélas ! disait-elle, il ne m’a jamais aimée, car il ne me comprend pas. » Et elle continuait de sanglotter amèrement.

Lothaire entra sous le berceau, il fallut que Clara lui racontât ce qui s’était passé. Il aimait sa sœur de toute son âme, et chaque mot de ses plaintes lui entrait dans le cœur comme un coup de poignard ; il sentit alors se changer en une violente colère l’humeur que lui inspiraient depuis long-temps les rêveries de Nathanael. Il courut le trouver, et lui reprocha sa conduite à l’égard de sa sœur chérie, en termes courroucés, auxquels le bouillant Nathanael répondit sur le même ton. Traité de fat extravagant et maniaque, l’un rabaissa l’autre comme un pauvre homme du commun de la foule. Le duel était inévitable. Ils convinrent de se battre le matin suivant, derrière les murs du jardin, avec des espadons bien aiguisés suivant l’usage universitaire du pays. Ils rôdaient muets et agités dans la maison. Clara avait entendu leur violente querelle et avait vu sur la brune le maître d’armes apporter les rapières. Elle comprit ce qui allait arriver. Parvenus sur le lieu du combat, Lothaire et Nathanael également sombres et silencieux avaient mis leurs habits bas, et, les yeux enflammés d’une ardeur sanguinaire, ils étaient