Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/332

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tion diabolique comparable à celle des lunettes. Aussi Nathanael résolut, par forme de réparation, d’acheter effectivement quelque chose à Coppola. Il prit une petite lorgnette de poche très-artistement travaillée, et alla pour l’essayer à la fenêtre. De sa vie, il n’avait encore rencontré un verre qui rapprochât et peignit aux yeux les objets avec autant de netteté, de précision et de justesse. Il regarda par hasard dans la chambre de Spallanzani : Olympie était assise comme à l’ordinaire devant la petite table, les bras appuyés dessus et les mains croisées. Nathanael vit alors pour la première fois l’admirable régularité des traits d’Olympie ; ses yeux seulement paraissaient étrangement fixes et inanimés. Mais à force de regarder attentivement à travers la lorgnette, il lui sembla voir comme d’humides rayons lunaires se réfléchir dans les yeux d’Olympie, et la puissance visuelle s’y introduire par degrés, et le feu de ses regards devenir de plus en plus ardent et vivace. Nathanael était retenu à la fenêtre comme ensorcelé, et ne pouvait se lasser de contempler la céleste beauté d’Olympie. Un bruit de pieds et de crachement le réveilla de sa profonde extase. Coppola était derrière lui : « Tre zecchini : — trois ducats ! » — fit-il. Nathanael avait complètement oublié l’opticien, il paya promptement le prix demandé. — « N’est-ce pas, Signor ? souperbes verres, souperbes ! » répéta Coppola de sa voix rauque et désagréable et avec son sourire caustique. — « Oui, oui, oui ! répliqua avec humeur Nathanael, adieu, mon cher ! — adieu. »

Néanmoins Coppola ne quitta pas la chambre sans