Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/340

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au destin, car autrement tu aurais été mon rival, et, dans ce cas, il faudrait que l’un de nous deux mordit la poussière ! » Sigismond vit bien ce qu’il en était de son ami. Après un détour adroit, il ajouta, tout en déclarant qu’en amour il ne fallait jamais discuter sur l’objet : « Il est cependant remarquable que beaucoup d’entre nous portent un jugement à peu près semblable sur Olympie. Elle nous a paru (frère, ne prends pas cela en mauvaise part,) étrangement raide et inanimée. Sa taille est régulière, ainsi que ses traits, il est vrai. Bref, elle pourrait passer pour belle, mais son regard est par trop dénué de la lumière vitale, je dirais presque de la faculté visuelle. Son pas aussi est singulièrement mesuré, chaque mouvement semble répondre à l’impulsion d’un rouage monté. Son chant et son jeu musical ont la précision convenue, l’exactitude monotone et matérielle d’une machine organisée ; il en est de même de sa danse. Enfin cette Olympie nous a causé une impression fantasmatique, et personne de nous ne voudrait avoir rien de commun avec elle, car il y a en elle, sous l’apparence d’un être vivant, je ne sais quel phénomène surnaturel et bizarre. »

Nathanael réprima le sentiment d’amertume que ces paroles de Sigismond faisaient naître en lui, il maîtrisa son irritation et se contenta de dire très-sérieusement : « Il se peut bien qu’Olympie vous inspire de l’antipathie, à vous autres hommes froids et prosaïques. Ce n’est qu’à l’âme poétique que se révèle l’âme poétiquement organisée. — Ce n’est que pour moi qu’a lui ce regard d’amour dont