Page:Hoffmann - Contes fantastiques I.djvu/345

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dessus une table couverte de fioles, de cornues, de flacons et de tubes de verre. Toute la boutique se brisa en mille morceaux. Soudain Coppola chargea Olympie sur ses épaules, et, riant aux éclats d’une façon abominable, il se mit à courir et à descendre l’escalier de sorte que les pieds pendants de la misérable figure se choquaient et résonnaient comme des morceaux de bois contre les marches.

Nathanael était pétrifié. Il n’avait que trop clairement vu. — Le visage d’Olympie, pâle comme la mort, était en cire, et dépourvu d’yeux : de noires cavités en tenaient la place. Ce n’était qu’une poupée inanimée. — Spallanzani se roulait à terre, les morceaux de verre lui avaient coupé et lacéré la tête, les bras, la poitrine : son sang coulait à flots. Mais rassemblant toutes ses forces : « Après lui ! cria-t-il, à sa poursuite ! sans nul délai. — Coppelius ! Coppelius ! voleur infâme ! — Mon meilleur automate ! — le fruit de vingt années de travail, le prix de ma vie et de mon sang ! — Les rouages, le mouvement, la parole ! tout m’appartient. — Les yeux… oui, je lui ai pris les yeux ! — Réprouvé ! Belzébuth ! — après lui ! cours… rapporte-moi Olympie : tiens ! voilà les yeux ! »

Nalhanael vit alors deux yeux sanglants gisants par terre et le regardant fixement : Spallanzani les saisit de sa main la moins endommagée, et les lui jeta de telle sorte qu’ils vinrent frapper sa poitrine. — Soudain la folie imprima sur Nathanael ses griffes ardentes et s’empara de tout son être en brisant les ressorts du jugement et de la pensée. « Hui !